Utopie des relations
Plus les années passent, plus je comprends le fait qu'on ne puisse jamais vraiment appartenir à personne. Mais aussi moins j'arrive à me faire à l'idée. Il serait plus facile de se dire que notre coeur ne nous appartient pas, qu'il est entre les mains d'un-e autre. Lui confier parce que - le terme est assez équivoque - on a confiance en cette personne. Faire en sorte que l'autre s'en occupe, pour en quelque sorte se voiler la face en se disant que puisqu'il n'est plus à nous, on n'est plus maître-sse de ses sentiments, de ses émotions. Par envie de se dire que de toute façon, on ne sait plus rien faire par rapport à ce qu'on ressent, et se conforter dans l'idée que rien ne changera plus puisqu'on n'a plus aucune prise dessus.
Quand on a en plus la chance de pouvoir s'en remettre entièrement à quelqu'un qui nous confie son coeur en retour, c'est l'exaltation du sentiment de protection. A la fois on sait que nos sentiments seront protégés (du moins, on le croit très fort), et de l'autre côté on prend plus soin du coeur de l'autre qu'on aurait fait attention au nôtre. On le chérit comme le dernier diamant sur Terre, si on a su garder la naïveté de l'enfant qui est en nous, si on laisse parler l'éternel-le adolescent-e qui retombe en amour pour la première fois. Parce que rien n'est plus beau et plus fragile que le coeur de quelqu'un qu'on aime profondément. On a envie de le protéger plus que sa propre vie.
A chaque fois que j'ai confié mon coeur à une fille, il m'est revenu un peu plus craquelé que la fois précédente. Tellement que depuis la dernière fois, j'ai peur qu'il ne me revienne plus en entier. Comment faire confiance à nouveau? Peut-être qu'un jour, la romantique que je suis toujours au fond de moi refera surface et se laissera aller à lâcher prise une nouvelle fois. Peut-être que rien ne sera plus comme avant, et que je connaîtrai un nouveau bonheur, une nouvelle forme de relation que je n'attendais plus, à laquelle je ne m'attendais pas.
Aujourd'hui, je suis plus tentée par le fait de confier mon corps pour une nuit que mon coeur pour la vie. Pour une nuit et pourquoi pas jusqu'au matin suivant. Ressentir de l'affection pour ce corps nu et chaud contre le mien, et ressentir son affection pour moi, en toute simplicité. Oublier qu'il y a eu un "hier" et qu'il y aura un "demain", me concentrer sur l'instant présent. Pouvoir sentir le réconfort de son dos contre ma poitrine en l'étreignant délicatement avec ma main entre ses seins. Goûter la douceur de sa peau en embrassant tendrement son épaule. Sentir son parfum envahir le souvenir de la nuit et mon lit. Pour se quitter sans savoir si on va se revoir, ni quand ça arrivera, et reprendre nos vies respectives.
Et si on se retrouve, se raconter nos vies, se parler de nos ami-e-s, de nos sorties, de nos rencontres, comme on s'intéresserait à l'autre lors d'un premier rendez-vous. C'est très certainement la prochaine relation que j'aimerais, que j'idéalise en écrivant ces quelques lignes. Être en couple libre, ou célibataires à deux..
Est-ce une vision utopique du "couple" qui me travaille en ce moment? Il n'existe sûrement pas de "couple parfait", mais plus certainement plusieurs couples. Et plusieurs visions de ceux-ci. Autant dans une vie que dans une même relation. Le tout, c'est d'arriver à communiquer encore et encore, et surtout ne pas se prendre la tête parce que ça éloigne du chemin du bonheur et de l'épanouissement de soi. Il faut écouter son coeur et écouter celui de l'autre. Et aussi vivre pour soi, advienne que pourra.
Ce que j'imagine pour ma future relation? Faire des sorties à deux comme des amies tout autant que chacune de notre côté. Pouvoir rester des jours sans se parler et comme des meilleures amies se reparler et continuer nos échanges là où ils s'étaient arrêtés. Se taquiner et se chamailler comme deux soeurs qui ont une affection profonde l'une pour l'autre. Avoir un lien spécial qui nous lie et qui nous délie en même temps. Savoir qu'on peut compter l'une sur l'autre pour les délires et rires interminables en tête à tête autant que pour les conversations difficiles et libératrices quand on a un coup de blues.
Mais entre l'imagination d'une relation qui nous correspondrait, la rencontre d'une personne qui a envie de construire quelque chose sur des bases similaires, la mise en commun de nos envies et la réalisation de celles-ci par des compromis, et la remise en question régulière par la discussion sincère, et surtout le bien-être mutuel dans la relation, il y a déjà tellement de possibilités. Il y a un temps aussi, qu'il faut saisir et laisser passer, un temps qu'il faut prendre pour l'autre et pour soi mais jamais pour acquis.
A toi, la fille qui fait ou fera partie de ma vie et qui est sur la même longueur d'onde, la fille que j'ai envie de prendre dans mes bras quand je me retourne en pleine nuit, la fille dont le regard me fait chavirer à chaque fois qu'elle me regarde, la fille qui vit sa vie et me laisse vivre la mienne tout en s'y intéressant, la fille dont la caresse est aussi douce que déchirante, à toi, viens à moi. Je suis là.
Même si on ne met pas de nom ou d'étiquette sur ce qu'il y a entre nous, je suis là et ailleurs à la fois, où tu ne m'attends pas. Où je ne t'attends pas, pour te rencontrer enfin. Dans un moment suspendu dans l'espace et le temps, je t'attends là où je ne veux pas t'attendre. Tu es là mais tu n'y es pas. Je sais que ce n'est pas toi, je ne sais pas que c'est toi. Je t'aime autant que je te déteste, alors viens à moi.